zoo

 

L'humain est un animal.

Malgré plusieurs siècles de chrétienté et de Lumières tendant à faire de nous une entité annexe et supérieure à l'ensemble du règne animal, nous sommes des animaux. Malgré notre patrimoine culturel occidentale, monothéiste et urbain, nous somme des animaux. Des animaux qui se nourrissent, dressent, aiment, tuent, observent – avec fascination, passion et dégout – d'autres animaux dont ceux de sa propre espèce. Les rapports qu'entretient l'être humain aux autres espèces animales questionnent sa place dans son environnement.

Ces rapports peuvent prendre plusieurs formes. Ainsi un lieu comme le parc zoologique représente une de ses formes par ses fonctions. Historiquement c'est un symbole de pouvoir mais au cours du XX ème siècle, les zoos ont embrassé un rôle contradictoire à celui de divertissement aristocratique : la conservation des espèces en voie de disparation et l'éducation à l'écologie. Dans les faits, même si les parcs zoologiques effectue réellement ce rôle de protection, ils gardent majoritairement leur rôle premier : la monstration du sauvage. C'est cette monstration, ses codes et son influence sur la perception et la rencontre avec les animaux qui m'a intéressé dans les zoos.

A travers des projets comme Doggy Bags ou Amer vitraux, je me suis concentré sur la perception véritable que l'on peut avoir des animaux à travers les dispositifs de monstration des zoos. La série de photographies Amer vitraux s'attache directement à restituer l'interaction visuelle entre le dispositif de monstration (et d'enfermement) et l'animal qui se trouve derrière. Dans Doggy Bags, je me concentre sur ce que l'on voit de l'animal lorsque l'on retire ce dispositif. Les barreaux des cages sont retirées numériquement puis l'image est recomposé comme si le dispositif était absent. Ce que l'on voit sur ces photographies est ce qui nous fascine réellement et qui nous amènent dans les parcs zoologiques, c'est l'animal dans sa façon de se mouvoir, de prendre l'espace, d'être vivant.

Les zoos sont aussi des lieux de rencontre. Cependant la plupart des visiteurs de ces parcs n'établissent aucun lien avec les êtres qu'ils voient derrière les dispositifs de monstrations. Dans Kids With Guns, je m'attarde sur le rapport et la position que prennent les visiteurs face à la vitre d'un enclos. Cette vitre devient alors une vitrine et l'être humain devient spectateur et consommateur d'objets vivants.

Ces rencontres sont rares car elles exigent de passer beaucoup de temps devant les enclos. Lorsqu'elles se produisent, elles ébranlent les certitudes sur l'individualité animale. Dans Orrorin, la focale se fait sur la vitre qui me sépare de l'individu face à moi, un gorille ou un orang-outang. Le sujet de la photographie est alors flou et seule sa présence parait à l'image. Une présence forte, énigmatique, touchante.

Mais la rencontre peut aussi être mise en avant plus directement. Approche Darwinesque présente ma rencontre avec un gorille de façon simple et direct : deux individus cote à cote, partageant un même espace. Ce partage s'accentue par l'installation des images au mur mêlant les membres du gorilles aux miens. J'ai rephotographié ce gorille un an plus tard pour l'installation vidéo Big brother is Watching You. Celle ci joue aussi de la présence du gorille mais sur un registre différent. L'installation joue de la frontière entre la photographie et la vidéo et du rapport entre le spectateur et le sujet de la vidéo. La vitrine disparaît un court moment.

Une autre forme du rapport qu'entretient l'espèce humaine aux autres espèces du monde animal se noue dans l'utilisation et la construction des représentations scientifiques. La faune fait partie, avec l'empreinte des mains, des premières formes de représentation humaine de son environnement

et de lui-même. 30000 ans plus tard, ces formes se sont spécialisés, prenant pour certaines une valeur d'objectivité scientifique, en délaissant la tentative de représenter la vie, les mouvements et les postures des animaux pour se concentrer sur une description précise des caractéristiques anatomiques de chaque espèce. Ces dessins forme une sorte de lexique du vivant. Un lexique visuelle complexe de plusieurs milliers de signes.

J'aborde cette banque d'image sous deux angles différents. D'une part je détourne totalement ces dessins de leur fonction pour produire m'en servir comme élément de narration dans la "bande-dessinées" The Eyes of The Tiger, encore en cours de production. D'autre part, dans un second projet en cours, Fishes of The World, j'interroge ce principe de catalogue du vivant en me concentrant sur les représentations des poissons. Pour cela, je reprend le principe des posters éducatifs et je le pousse jusqu'à l'absurde : un poster ultime comportant chaque espèce connue de poisson et sa représentation scientifique à l'échelle réel. Les dimensions du poster le rendent illisible à l'exception de fragments de celui-ci. Ces extraits se font sous la forme d'affiches grand format numérotées selon leur emplacement dans le poster. L'échelle de chaque espèce permet aussi de se rendre compte de la diversité de cette faune, propre à un milieu historiquement hostile à l'espèce humaine, le berceau de la vie sur Terre.

Orrorin

Doggy Bags

Approche Darwinesque

Kids With Guns

 

Amer Vitraux

 

Big Brother is Watching You

The Eyes of The Tiger

Fishes of The World